COMITE EXECUTIF
Bruxelles, les 05-06 juin 2002
154.Ex/06.02/14
SITUATION SOCIALE EN EUROPE
(Résolution)
1. Les relations sociales en Europe sont en train de se détériorer
rapidement. Plusieurs gouvernements dans les pays de l’Union mais
aussi dans d’autres pays européens s’attaquent aux droits des
travailleur(euse)s par la révision à la baisse et de façon unilatérale,
des législations et des protections existantes. A son tour, le patronat
continue de faire pression pour la déstructuration de la négociation
collective.
Face à cette situation, la CES exprime son soutien et sa solidarité aux
mobilisations et aux luttes qui se succèdent dans les différents pays
ainsi qu’à la grève générale du 20 juin en Espagne. La CES considère
particulièrement grave que les décisions du Gouvernement de
Madrid interviennent pendant la Présidence espagnole de l’Union
Européenne.
Le caractère généralisé de ces attaques réclame une réponse
coordonnée à niveau européen à travers une campagne pour la
défense des droits des salariés et du modèle social européen y
compris des services publics, que la CES développera dans les
prochains mois.
2. Gouvernements et patronat motivent souvent leur démarches par des
prétendues exigences européennes. Contrairement à cela, la CES
rappelle comme elle l’avait déjà fait à la veille du Conseil Européen
de Barcelone, que la stratégie de Lisbonne est fondée sur l’équilibre
entre dynamisme économique, meilleur emploi et cohésion sociale.
Il est illusoire de croire qu’une plus forte compétitivité de l’économie
européenne puisse être atteinte par une réduction de la protection et
de garanties sociales quand, en tout premier lieu, elle dépend d’une
politique économique active favorable à la croissance et à l’emploi,
qui pour l’instant est loin de se matérialiser, ainsi que des
investissements accrus dans l’innovation, la connaissance et la
formation tout au long de la vie.
La CES souligne le risque d’une rupture du consensus autour de la
stratégie de Lisbonne si des politiques pénalisantes pour le monde du
travail devaient définitivement s’imposer au niveau européen.
3. La CES considère en outre que dans la phase actuelle marquée par
des changements profonds sur le plan économique et social, il est
plus que jamais nécessaire que les travailleur (euse)s et leurs
syndicats soient rendus protagonistes de ce processus. Toute réforme
touchant les conditions de travail doit être le résultat de la
négociation collective et de la concertation sociale.
La CES s’attend que la Commission dans sa prochaine
communication sur l’avenir des relations industrielles en Europe
s’exprime pour les renforcer à tous les niveaux. Dans ce même
optique il est urgent que la Commission engage la révision de la
Directive sur les Comités d’Entreprise européens, en vue d’élargir
son champ d’application et de rendre ses dispositions plus efficaces.
La CES réitère sa proposition à l’UNICE / CEEP de négocier les
mesures nécessaires à encadrer socialement les restructurations
industrielles tout en rappelant aux autorités européennes qu’elles ne
peuvent pas se dérober de leurs responsabilités dans ce domaine.
4. A ces préoccupations sur le plan social, d’autres s’ajoutent sur le
plan politique.
La CES s’alarme plus particulièrement par la montée en flèche des
mouvements d’extrême droite, populistes, racistes et xénophobes qui
représentent la négation des principes démocratiques et des valeurs
auxquelles s’inspire le syndicalisme. Leur discours démagogiques et
simplistes exploitent les peurs des populations, leur désarroi et
incertitude. Ils risquent de porter atteinte au processus
d’élargissement de l’Union.
Face à cette réalité l’Europe doit se ressaisir. Une politique commune
d’immigration et d’asile est indispensable et urgente. Le Conseil
Européen de Séville serait toutefois malavisé de la réduire à une
question purement sécuritaire.
L’exploitation des clandestins et le trafic des êtres humains doivent
être stoppés mais la maîtrise de l’immigration doit s’accompagner
d’une stratégie efficace d’intégration, fondée sur l’égalité des droits
et de traitement ainsi que sur la tolérance et le respect des diversités
culturelles.
Le mouvement syndical continuera à s’opposer radicalement à toute
manifestation de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme et aux
toutes sortes des discriminations sur les lieux du travail comme dans
la société.
Redonner de l’espoir aux populations qui se sentent marginalisées
par les changements en cours et qui vivent dans un climat
d’insécurité pour leur avenir, demande aussi l’intensification de la
lutte au chômage et aux inégalités sociales, par de politiques
nationales et européennes porteuses des nouveaux emplois et de
cohésion sociale.
5. L’Europe vit un moment important de son histoire à la veille de la
réunification du continent suite à l’élargissement de l’Union. C’est le
moment de réaffirmer, dans les faits, les valeurs sur lesquelles
l’Europe est fondée.
La Convention Européenne doit être capable de donner un nouveau
souffle au projet européen avec la reconnaissance pleine de notre
modèle social et des droits des citoyen(ne)s.
Seulement un plus d’Europe, sociale, citoyenne, démocratique peut
faire échec aux forces qui prônent le retour au passé et consolider la
légitimité de l’Union vis à vis du monde du travail et des nouvelles
générations.
EG/06/06/02